Pour rédiger cet article, je me suis inspiré d’un document de recherche préparé en 2018 par la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques (CFFP) de l’Université de Sherbrooke.
Le gain en capital est un type de revenu qui est généré lorsque vous détenez des placements qui ont pris de la valeur dans un compte non enregistré. Il a longtemps été libre d’impôt. Son imposition au Canada a été introduite en 1972 à la suite des recommandations de la Commission royale d’enquête sur la fiscalité (la Commission Carter, d’après le nom de son président) selon le principe qu’un « buck is a buck is a buck »(1). Autrement dit, cela signifie que même si un revenu peut être gagné de diverses façons, il s’agit en fin de compte d’un revenu qui devrait être imposé de la même manière. Cette imposition des gains en capital représente, avec l’impôt foncier, l’une des rares méthodes d’imposition de la richesse au Canada.
Avec la mise en place en 1972 de l’imposition du gain en capital au Canada, il convient de noter que le gain en capital couru au moment de l’entrée en vigueur de ce changement de la politique fiscale a été exempté d’imposition par la mise en place d’une règle transitoire ou seule la plus-value à compter du 1er janvier 1972 devenait sujette à l’imposition. Le taux d’inclusion des gains en capital réalisés dans le calcul du revenu imposable a été fixé à 50 %. Ce taux est demeuré le même jusqu’en 1987. Au mois de juin 1987, le gouvernement fédéral a en effet annoncé que le taux d’inclusion allait passer de 50 % à 66 2/3 % en 1988 et à 75 % pour les années d’imposition 1990, ainsi que pour les années suivantes(2).
Le taux d’inclusion est la fraction de gain qui sera soumis à l’impôt. Un taux de 75 % fait en sorte que le ¾ du gain est soumis à l’impôt.
Le taux d’inclusion de 75 % est resté en place de 1990 jusqu’en l’an 2000, lorsque le budget fédéral l’a ramené à 66,67 % à compter de la date du budget de février. Dans la même année, le taux d’inclusion a été abaissé de nouveau lors de l’énoncé économique d’octobre 2000 ou il est redescendu à 50 %(3). Donc, l’année 2000 a été marquée par trois taux d’inclusion différents, selon le moment de l’année où le gain a été réalisé. Depuis, octobre 2000, le taux d’inclusion du gain en capital est demeuré à 50 %, soit depuis plus de 20 ans.
Il est à noter que depuis l’instauration de l’imposition du gain en capital, l’ensemble des provinces utilise le même taux d’inclusion que celui du gouvernement fédéral.
L’impact de la taxation des gains en capital sur l’activité économique ne fait pas consensus au sein des experts.
Un autre changement notable en matière de traitement fiscal du gain en capital a été l’introduction en 1985 de l’exonération cumulative des gains en capital (ECGC) de 100 000 $. Cette exonération était disponible sur le cycle de vie de chaque contribuable, avec l’intention déclarée d’encourager les particuliers à investir. L’exonération devait être mise en place progressivement sur une période de six ans, avec un plafond cumulatif de 250 000 $ en gains en capital imposables (soit 500 000 $ de gain en capital brut) au cours de la sixième année et les années suivantes.
En 1987, le gouvernement fédéral a mis fin à la croissance de l’exonération générale fixant ainsi la limite cumulative à 100 000 $ de gains en capital (50 000 $ de gains imposables), à noter que la limite maximale de 500 000 $ s’applique depuis lors aux agriculteurs et aux propriétaires de petites entreprises.
En 1994, le gouvernement fédéral a éliminé l’ECGC générale de 100 000 $, mais a laissé en place l’exonération pour les agriculteurs et les petites entreprises.
Durant les périodes de consultations prébudgétaires menant au budget fédéral de 2016 et de 2017, et devant les écarts de taux d’imposition entre les dividendes et les gains en capital, divers commentateurs ont soulevé la possibilité d’une augmentation du taux d’inclusion des gains en capital, mais cela ne s’est pas matérialisé.
Toutefois, les taux d’inclusion des autres pays pourraient bientôt être modifiés. En novembre 2020, l’Office for Tax Simplification du Royaume-Uni a publié un nouveau rapport (4) sur la refonte du système d’imposition des gains en capital du Royaume-Uni. On y laisse entendre que l’harmonisation des taux d’imposition des gains en capital au Royaume-Uni avec les taux d’imposition généraux sur le revenu pourrait générer des revenus importants pour le gouvernement. Le coût fiscal de la vente d’un placement avec des gains inhérents pourrait doubler. En effet, comme l’a rapporté le Financial Times (5), certains cadres supérieurs du Royaume-Uni s’apprêtent à vendre leurs placements dans leur société par crainte d’une éventuelle augmentation de l’impôt sur les gains en capital.
Aux États-Unis, des changements pourraient également être apportés à l’imposition des gains en capital en fonction de la plateforme du président Joe Biden. À l’heure actuelle, les États-Unis imposent les gains à court terme (pour la vente d’actifs détenus depuis moins d’un an) au taux d’imposition ordinaire, qui varie de 10 % à 37 % au fédéral. Les gains en capital à long terme (pour la vente d’actifs détenus pendant plus d’un an) sont imposés à un taux avantageux, de 0 % à 20 % (à l’exclusion de l’impôt sur le revenu de placement net de 3,8 % supplémentaire pour les contribuables à revenu élevé).
La proposition de Monsieur Biden aurait pour effet d’augmenter l’impôt sur les gains en capital en les considérant comme un revenu ordinaire pour les contribuables qui gagnent plus d’un million de dollars américains. Conjugué à son intention de relever de nouveau à 39,6 % le taux d’imposition maximal sur le revenu ordinaire (de 37 %), ce taux doublerait presque le taux d’imposition actuel des gains en capital à long terme pour le faire passer de 23,8 % (20 % plus 3,8 %) à 43,4 % (39,6 % plus 3,8 %) pour ces particuliers à revenu élevé.
Qu’en est-il pour le Canada ? Dans le cadre des consultations prébudgétaires du gouvernement, tenues du 3 au 6 février 2020 à Ottawa et qui ont mené à la mise à jour budgétaire de 2020, le Comité permanent des finances a écouté les propositions de plus de soixante-dix organismes et particuliers. Il a également reçu plus de deux cent soixante-dix mémoires. Dans son rapport final publié, il a recommandé de ne pas augmenter les taux d’imposition sur le revenu des particuliers ni les taux d’inclusion des gains en capital.
Toutefois, si l’on se fie au ton de certaines des quelque huit cents soumissions que le gouvernement a reçues dans le cadre des consultations prébudgétaires en prévision du budget de 2021 (6), l’humeur pourrait changer à la lumière des dépenses sans précédent du gouvernement pour les mesures d’allégement liées à la COVID-19 pour les Canadiens et les entreprises. Le déficit pourrait atteindre 400 G$ en 2020-2021. Nous en aurons le cœur net le 19 avril prochain avec le dépôt du budget fédéral.