Cette fois-ci, c’est différent!

Comme nous le vivons présentement, chaque fois que les marchés boursiers ou les ratios économiques franchissent un niveau supérieur à la moyenne historique, certains experts et analystes s’empressent de mettre les investisseurs en garde contre la complaisance et annoncent qu’un retour à la moyenne historique est imminent.  Et ceux qui osent proclamer que cette fois-ci c’est différent s’exposent à la risée de leurs pairs en remettant en doute les fondements mêmes de la finance.  Pour écrire cette lettre financière, je me suis inspiré d’un article écrit par Ben Carlson de Bloomberg qui illustre bien la façon que les marchés évoluent.

Même s’il est vrai que le retour aux moyennes joue un rôle important pour les marchés boursiers, l’investisseur doit adapter les données utilisées dans son analyse. Même si l’évaluation actuelle des marchés semble élevée en rapport à la moyenne, il faut se poser la question, quelle est la moyenne la plus représentative de la conjoncture?

La structure du monde de la finance est complètement différente aujourd’hui et pour compte :

  • Dans les années 60, la composition des indices boursiers était très différente.  La totalité des titres constituant l’indice boursier américain S&P500 était soit industriels, de services publics ou de chemins de fer.
  • En 1902, la plus grosse compagnie américaine, U.S. Steel, employait 170 000 travailleurs avec des ventes totales de 561 millions  ou 3 340 $ par employé (90 000 $ en dollars d’aujourd’hui).  En comparaison, Facebook aujourd’hui génère 2 millions  de revenus par employé.
  • Il y a 50 ans , 90 % des transactions boursières étaient effectuées par des particuliers alors qu’aujourd’hui elles ne sont que de 5 %.
  •  Avant 1975, il était très dispendieux de transiger des titres sur le marché boursier.  Aujourd’hui ces frais ont chuté de l’ordre de 80 à 90 %.
  •  Dans les années 50, les frais de vente à l’achat des fonds mutuels étaient de l’ordre de 8 à 10 % alors qu’aujourd’hui le conseiller peut charger un maximum de 2 %, mais il avoisine souvent zéro.
  • Le premier fonds indiciel boursier a vu le jour en 1976 et c’est seulement en 1986 pour le premier fonds indiciel obligataire.
  • Le concept de retraite est principalement un concept du 20e siècle, car avant la Deuxième Guerre mondiale, il n’existait pas vraiment.  Les gens travaillaient jusqu’à leurs décès.

Non seulement aujourd’hui c’est différent, mais chaque cycle diffère de par leur conjoncture économique et les marchés évoluent constamment en fonction de notre connaissance actualisée du passé.  C’est pourquoi les nouveaux produits d’investissements, qui sur papier montrent un bon potentiel de rendement, réussissent rarement à épater les investisseurs et à livrer la marchandise.

Les surperformances vont habituellement se dissiper et les flux importants d’argent dans certains produits ou stratégies peuvent en changer leurs données fondamentales. Tout actif peut devenir un investissement merveilleux à un certain prix et un horrible investissement à un autre.

Il est essentiel de comprendre le contexte historique de la situation actuelle, afin de mettre les choses en perspective et réaliser que les marchés sont un système adaptatif complexe. Ils ne sont pas statiques et ne suivent pas toujours des règles prédéfinies.

Plusieurs investisseurs prennent constamment les mêmes décisions et espèrent différents résultats!  La seule chose qui demeure constante est la nature humaine.

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